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Construit comme une succession de 13 histoires au vitriol mais non dénuées de tendresse, «Où poser des yeux » est un album qui voit défiler dans ses entrailles une collection de personnages attachants mais ô combien singuliers. Les loosers magnifiques y font leur trou plus profondément que les superhéros sans failles, les chiens y sont débrouillards mais nécrophiles, les banlieusards, sous leurs dehors faussement chics, dissimulent des habitudes abjectes. Il est donc fortement recommandé d’aller au-delà des apparences, de chercher du sens dans les petites scories quotidiennes, de trouver la beauté là où se niche plus volontiers le désenchantement.
Carl prend un malin plaisir à disperser des images qui resteront imprimées sur nos rétines au milieu de beats sautillants, parsemant les instants les plus mélancoliques de voix cartoonesques, vociférant dans le silence ou sur fond de trompette. Les contours rassurants et familiers de chacun sont ici déchiquetés : si la mer peuple l’univers de Carl, elle charrie plus de noyées que de coquillages et disperse les cailloux soigneusement amassés, le soleil quant à lui carbonise les souvenirs, et de la maison d’enfance finit par émaner une odeur pestilentielle, car elle est trop chargée d’instants émotionnels forts.
Non content de tracer les frontières mouvantes d’un univers aux textes très aboutis, il l’agrémente d’un fond sonore travaillé au scalpel, jonglant allègrement avec les déconstructions du jazz, les longues et denses plages electro et les beats hip-hop qui frappent fort, avec quelques détours plus surprenants encore par la bossa ou la pop.
Si Carl est la pierre fondatrice du projet, il s’est cependant entouré d’une équipe de frondeurs de première classe: aux beats, on retrouve le très actif Vincent Van den Damme aka Noza; à la guitare, voix et percussion Jean-Michel Distexhe ; à la trompette Cédric Manche (anciennement dans Grinberg et Moon Invaders) ; à la batterie, guitare, composition Emmanuel Coenen, musiciens auxquels viennent s’ajouter un violoniste pour la scène (Pascal Matthey) .